Tigana de Guy Gavriel Kay

Tigana est un roman de fantasy mêlant politique, histoire, et fantasy sur fond de reconquête d’une identité perdue. Cette quête n’est pas la quête d’un seul individu, mais de tout un groupe dont la culture et l’identité ont été volés. Comme je viens de m’installer au Canada, j’étais curieuse de lire un livre de fantasy écrit par un Canadien. Et vous le savez, j’adore les cycles, et les histoires qui se suivent et n’en finissent pas dans un monde imaginaire sans fin.

Résumé de Tigana

L’histoire s’ouvre sur la veille d’une terrible bataille et Saevar sculpteur et aide de camp, discute avec Valentin, le prince, de l’issue de la bataille. En gros, ils savent qu’ils vont dérouiller, mais ils prennent le temps de philosopher et de dire de la poésie du genre :

« La beauté que nous trouvons est façonnée, du moins en partie, par ce que nous savons que le matin apportera. »

Tu voies le genre.

L’histoire du roman va suivre un jeune chanteur, Devin, qui rejoint un groupe de hors la loi. Leur but, mettre à bas les deux magiciens qui ont mis à sac leur royaume, et remettre sur le trône … l’héritier légitime de Tigana. Le sort de ce royaume fut particulièrement cruel, car Brandin d’Ygrath, le tyran magicien a lancé un sort empêchant toute personne de se rappeler le nom de Tigana. La vengeance a été peaufinée pendant plus de dix ans : le temps presse car il faut que Tigana, son histoire, son nom même revienne à la vie avant que l’ancienne génération ne meurt, et le nom de Tigana avec.

Ce que j’aimé dans Tigana

L’ART

La poésie est l’une des surprise que j’ai trouvée dans ce roman : de la poésie au milieu de champs de bataille. Allez je te remets la phrase plus haut si comme moi tu as besoin de la relire une deuxième fois.

« La beauté que nous trouvons est façonnée, du moins en partie, par ce que nous savons que le matin apportera. » Prince Valentin de Tigana

J’ai d’ailleurs été surprise en lisant la critique de Elbakin qui le ressent comme moins froid que les autres romans de Guy Gavriel Kay. Bon, il faudra que je lise les autres romans alors pour pouvoir comparer. Mais j’ai trouvé justement que la poésie et la mélancolie ponctuaient ce roman plutôt harmonieusement. Là où Tolkien va passer des paragraphes entiers à décrire une forêt, les héros de Tigana s’échangent souvenirs et mélodies. La musique est un autre moyen pour Guy Gavriel Kay d’insuffler l’esprit de Tigana au fil du roman et de nous faire ressentir la beauté et la délicatesse de cette civilisation presque disparue. Saevar, l’aide de camp du prince est sculpteur, preuve que l’art est un mode de vie pour ce peuple fier et autonome.

La réflexion politique.

« La vengeance du roi d’Ygrath était plus profonde que l’occupation, les incendies, les décombres et la mort. Elle englobait les noms et la mémoire, le tissu de l’identité ; c’était une chose subtile et sans pitié. »

En lisant ces mots, je n’a pas pu m’empêcher de penser à certaines cultures, peut à peu éradiquées par des sociétés plus agressives et plus stratégiques. La perte d’identité d’un peuple est une douleur lancinante. Je pense aux Celtes colonisés par les Romains, je pense aux Egyptiens colonisés par les Arabes, et vivant au Canada actuellement, je pense aux premières nations (Indiens d’Amérique du nord et Inuit) colonisés par les colons Européens et forcées d’abjurer leur religion et leur langue pour se convertir au christianisme.

Je pense aussi aux Français, eux aussi passés sous domination britannique au Canada, et s’étant vu bannir l’usage du français.

Tigana nous renvoie donc à notre histoire : celle que nous étions proches d’oublier.

De même, en ces temps troublés, qu’est ce que la liberté. La quête de rétablir Tigana ne fait pas que des heureux, et certains composaient très bien avec le nouvel ordre établi par les deux mages.

« Vous n’étiez pas libre », éclata Devin.
« Et je dis que je l’étais ! » Erlein riposta, se retournant férocement contre lui. « Il y a peut-être eu des lois qui m’ont contraint, et un gouvernement qui a régné là où j’aurais pu en souhaiter un autre. Mais les routes sont plus sûres aujourd’hui qu’elles ne l’ont jamais été lorsque tel homme régnait sur Astibar ou le père de celui-là sur Tigana. Et j’ai porté ma vie là où je voulais aller. Pardonnez mon insensibilité si je dis que le sort de Brandin d’Ygrath sur le nom de Tigana n’était pas la première et la dernière pensée chaque jour ! »

L’histoire d’amour entre Brandin et Dianora

J’ai été surprise de la délicatesse de cette histoire d’amour. C’est là où l’on prends la mesure de la personnalité du tyran magicien, tout en demi teintes. A la fois meurtri et cruel, voilà un méchant comme je les aime.

Ce que j’ai pas aimé dans Tigana

L’histoire d’amour un peu bizarre

Bon reparlons d’amour. Si vous le lisez, vous tomberez naïvement dans le panneau de Devin tombant graduellement amoureux de Catriana qui l’envoie toujours bouler. Sauf que Catriana ne finit pas avec Devin mais avec un autre personnage. Problème, à aucun moment il n’y a eu d’indice là dessus, d’attirance. Donc perso, je n’y croie pas et me laisse un goût de « mouais ».

Le personnage de Baerd

C’est un personnage attachant, très bien écrit, mais ce chapitre entier sorti de nulle part où il va sauver cet autre peuple… Idem, ça n’a pas été introduit auparavant, donc on ne comprends pas le lien avec Tigana. Pourquoi pas ma foi. Mais, parfois, je me dis que Tigana aurait pu faire une belle trilogie avec un livre pour chaque personnage dont on suit les aventures et l’évolution. Certains ont trouvé l’intrigue plutôt simple et le livre aurait pu faire moins. Certes, on peut toujours ramasser l’intrigue, j’aime le faire dans mes propres romans, mais… la fantasy n’aurait pas la même saveur n’est-ce pas ?

Pour résumer

Je pense ne pas avoir spoilé le roman, et vous avoir donné envie de le lire dans son intégralité. Tigana a remporté plusieurs prix de fantasy et pour cause : les personnages sont attachants et les méchants sont encore plus frappants dans leur humanité.

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