POURQUOI LA FRANCE EST EN RETARD SUR LA FANTASY ?

Dans sa tribune dans le Nouvel Observateur, Stéphane Marsan défend les littératures de l’imaginaire, et de ce marché non reconnu en France. La fantasy ? La science fiction ? Chut, c’est pour les enfants, pas pour les adultes à la tête bien sur les épaules ! Et pourtant….

1. La France n’a pas de problème avec l’imaginaire mais avec la jeunesse et le peuple

Il n’y a que les soixante huitards attardés ou les bobo-pseudo intello parisiens pour aimer lire le dernier Goncourt. Car récapitulons :

  • Goncourt 2017 : un roman de l’invasion de l’Autriche par les nazis.
  • Goncourt 2016 : thriller sur une nounou qui tue les deux enfants en bas âge dont elle avait la charge
  • Goncourt 2015 : un insomniaque revisitant des souvenirs d’Orient
  • Goncourt 2014 : l’engagement de Georges Bernanos au côté des républicains espagnols pendant la guerre d’Espagne
  • Goncourt 2013 : une lutte de deux poilus pour leur survie dans la France d’après guerre.
  • Goncourt 2012 : la vie dans un bar corse bouleversé par les nouveaux propriétaires.

Je vais m’arrêter là, je crois. Achevez-moi s’il vous plaît.

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Est-ce que ces histoires vous font vibrer ? Moi pas.

La Fantasy est le genre qui résonne avec la transformation intérieure, la quête initiatique que l’on débute à l’adolescence pour découvrir qui on est réellement, loin des mentors et des parents. Nous devrons affronter nos démons, des ennemis, pour un jour, trouver notre place.

La Fantasy est le genre de prédilection des ados. Or, la jeunesse n’est pas appréciée en France.

On ne donne pas sa chance à la jeunesse française : il y a une peur morbide chez l’ancienne génération à laisser sa place aux jeunes. Il n’y a qu’à voir les élus politiques qui s’accrochent comme des vampires à leurs fauteuils. Il n’y a qu’à voir pourquoi la France a perdu la seconde guerre mondiale : parce que les français était gouvernés par une arrière garde de l’ancienne génération qui n’a pas vu et su anticiper et embrasser le modernisme. La raclée que les allemands ont mis à l’armée française est la même que les anglos saxons mettent à la culture française depuis les années 70.

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2. La France a du mal avec la fantasy parceque la France est un pays tourné vers le passé

Dans un excellent article des Echos de 2017  Daniel Fortin se demande : Y a t il encore des grands écrivains en France ? « Dans un pays qui a construit son magistère intellectuel par la littérature plus que par la philosophie, il n’existe plus aujourd’hui d’écrivains en capacité de “dire le monde“. Autocentrée, quasi exclusivement tournée vers le passé, voire la mélancolie, notre littérature s’est repliée sur elle-même. »

Voilà. Daniel Fortin a plus de tact que moi. Mais qui se soucie du passé ? Je vais vous le dire. Les vieux, d’une part, (la prochaine étape de leur vie étant la mort, normal qu’ils ne puissent que se tourner vers passé), et d’autre part les intellos torturés adeptes de la masturbation intellectuelle (pour eux, ce sera le divan du psy).

Et oui. Cher adepte du politiquement correct, passe ton chemin.

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Mais pourquoi les journalistes et le milieu parisien est-il obsédé par le misérabilisme ? Sont-ils tous dépressifs ? Pourquoi cette considération péjorative de l’imaginaire ?

Parce que cher lecteur, depuis le 19èmesiècle, il s’est produit une fracture entre les auteurs dit réalistes et romantiques. Pour vraiment simplifier, grosso modo, Alexandre Dumas, chantre de l’aventure et de l’imaginaire a été honni par les auteurs réalistes type Zola et Maupassant qui étaient persuadés de détenir la vérité universelle artistique : le réalisme passait forcément selon eux par la description des classes inférieures. Or, ce mouvement réaliste faisait écho, s’est développé en lien avec l’évolution sociétale et idéologique de l’époque : la montée du socialisme.

Est-ce que le socialisme a détruit la littérature française ? Peut être bien.

Car je n’ai jamais étudié Alexandre Dumas à l’école. Ni aucun auteur du merveilleux. Par contre, du Maupassant, Zola et compagnie… en veux-tu en voilà !

3. La Fantasy a du mal à décoller car le milieu littéraire est un milieu pseudo intellectuel parisien.

Vous savez la blague sur les anglais ou les gens du nord ? Qu’ils ont des têtes bizarres parce qu’ils sont consanguins ? Et bien le milieu littéraire français c’est pareil.

Et oui cher lecteur : les parisiens sont intellectuellement consanguins.

Vous savez, ces gens qui vont dans les mêmes endroits, deviser du dernier Renaudot ou du dernier Goncourt. Ils fréquentent les mêmes personnes, lisent les mêmes livres, vont dans les mêmes restaurants, mais adooooooorent promouvoir la diversité. Surtout celle qui leur donne le sentiment d’être intelligent et important. Au delà du lien entre milieu intellectuel et idéologie socialiste qui ne supporte pas d’autre façon de penser, au delà du clivage ancien et modernes, le milieu intellectuel français est aussi exclusivement parisien. Le problème, c’est que la consanguinité, ça n’a jamais amélioré l’humanité. Et problème encore plus gros : ce sont malheureusement eux qui décident de qui va être édité ou pas, qui va être promu dans la presse ou pas. Bref, ces bonnes gens aiment la diversité… de leur propre famille politique.

Il y a quelques années, en 2011 d’après mes souvenirs, un excellent article était paru dans le magazine français Positif mettant le doigt sur le fait que tous les écrivains et scénaristes français vivent à Paris : résultat, une vision du monde auto centrée, et aucune diversité dans les histoires racontées. Le cinéma français s’appauvrit, tout comme la culture française. Et au lieu de puiser dans les talents hexagonaux, la culture française tournant en rond… finit par se tourner vers l’étranger.

4. Les éditeurs font le choix des écrivains anglo saxons

Et les éditions Bragelonne y compris. Les auteurs de Fantasy se comptent sur les doigts de deux mains quand on lit la liste de leurs publications de fantasy. (Ce serait bien de donner l’exemple mmh ?) Je sais que des auteurs comme David Gemmell et Terry Goodking assurent les ventes et donc un fond de roulement pour ensuite miser sur des auteurs français. Je sais bien que dans la tête des lecteurs, la Fantasy est un genre anglo saxon (ce qui est faux d’ailleurs, un préjugé.) Mais est-ce à ce point ? Est-ce que ce ne serait pas possible de faire moitié-moitié ? Et après, certains éditeurs/libraires/journalistes osent critiquer les auteurs de s’auto éditer…

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La France est en train de rater un rendez vous majeur avec le fans de la Fantasy et le science fiction, mais surtout les éditeurs sont en train de torpiller leur propre vivier de talents. En faisant le choix d’éditer majoritairement des écrivains anglo saxons, la Fantasy risque de vivre la même chose que le cinéma : une uniformisation du genre. Les écrivains français ont aussi une richesse, il n’y a qu’à voir l’excellent Jean Louis Fetjaine, ou encore Pierre Pevel  acclamés à juste titre par le public.

Pourquoi aucune chaîne de télé n’a lancé de projet d’adaptation ? Certes, nous n’avons pas les mêmes moyens qu’HBO ou Netflix. Mais il n’y a que les perdants qui n’essaient jamais rien…

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Pour conclure…

La Fantasy se vend très bien en France, auprès du public. Il n’y a que les pseudo-intellectuels qui la considèrent comme un sous genre, indigne d’être étudiée, d’être lue, et d’être promue. La Fantasy, bien que parfois située dans un lieu et temps moyenâgeux, est la porte d’un imaginaire où tout est possible. L’imaginaire est nécessaire à l’être humain comme nourriture spirituelle. Nourrir son Esprit. Les hommes ont toujours eu besoin d’entendre des histoires, qui le faisaient rêver, vibrer, crier et pleurer. Avant de réfléchir. Les récits imaginaire viennent des débuts de l’humanité : que serions-nous sans les mythes, les romans de chevalerie, les contes, les légendes ? C’est un enjeu de civilisation. Oui mais voilà, les intellectuels sont de gauche, et ne veulent pas reconnaître que les racines de la France sont gauloises, celtiques et non pas « méditerranéennes » comme on voudrait le faire croire. Mais ça, c’est le sujet d’un autre article.  Et si vous voulez résister à l’OPA des réalistes sur la littérature, vous pouvez abreuver votre imaginaire ici !

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